«Ça fait terriblement longtemps que j'attends ça. Après neuf ans, on a enfin trouvé l'indice qui manquait pour résoudre la disparition de mon frère.»

Rencontré hier devant son domicile, à Matane, Daniel Dugas venait de se libérer d'un poids qu'il traînait depuis neuf ans. La veille, son ex-belle-soeur, Marie-Jeanne Gendron, a été accusée du meurtre non prémédité de son frère aîné, Michel Dugas.

«Dans la famille, on s'est toujours douté que c'était elle», confie Daniel Dugas, un grand Gaspésien qui travaille pour la Ville de Matane. La famille Dugas avait d'ailleurs coupé les liens avec Marie-Jeanne Gendron depuis plusieurs années, dit-il.

À la demande des enquêteurs, Daniel Dugas ne dira rien de l'«indice» qui a permis de clore l'enquête ouverte en juin 1999. Selon ce qu'a appris La Presse, toutefois, un témoin aurait vu une tache de sang sur un matelas ayant appartenu à Marie-Jeanne Gendron et Michel Dugas.

La Sûreté du Québec a ainsi pu obtenir un mandat de perquisition pour fouiller la résidence où vivait le couple, à Saint-René-de-Matane. À l'époque de la disparition de Michel Dugas, les policiers ne disposaient pas d'indices suffisants pour obtenir le mandat.

Fin juin, les enquêteurs ont découvert des indices qui ont secoué la Gaspésie : les os brûlés de Michel Dugas, âgé de 50 ans lors de sa disparition, étaient enterrés à l'arrière de la maison, à quelques mètres d'un puits. Il y avait aussi des traces de sang du disparu à l'intérieur du domicile.

«Je suis soulagé, poursuit Daniel Dugas, cadet d'une famille de cinq enfants. À 90 ans, ma mère peut savoir ce qu'il est advenu de son fils et enfin vivre en paix.»

Onde de choc

L'arrestation de Marie-Jeanne Gendron, 53 ans, de son fils unique, Yannick Isabelle, et de l'ami de ce dernier, Bobby Gauthier, a créé une onde de choc en Gaspésie. Isabelle et Gauthier, tous deux âgés de 33 ans, ont été respectivement accusés vendredi de complicité après le fait et d'entrave à la justice.

«Je ne peux pas croire qu'elle l'ait tué. Je suis sûre que ce n'est pas elle.» Lucie Gendron a appris par les médias que sa soeur Marie-Jeanne avait été arrêtée. Depuis, elle dit nager dans l'incompréhension.

«Ma soeur est beaucoup trop douce pour avoir tué quelqu'un. Elle aime tellement les enfants. Ça ne se peut pas», poursuit la femme aux épaules carrées, rencontrée dans sa petite maison des Méchins, à 45 km à l'est de Matane.

Les deux soeurs se voyaient chaque semaine mais parlaient peu de la disparition de Michel Dugas. «C'était sa vie privée, un sujet qu'on n'aimait pas aborder.»

Questionnée sur la possibilité que Marie-Jeanne Gendron ait pu vouloir se défendre, Lucie Gendron hausse les épaules : «Je n'ai pas peur de le dire : cet homme-là, c'était un violent.»

Sa soeur ne le lui avait toutefois jamais avoué. «Quand elle arrivait avec des bleus, elle disait qu'elle était tombée. Elle peut avoir vécu l'enfer, cette femme-là», souffle Lucie Gendron, qui devait rendre visite à l'accusée à la prison provinciale de Rimouski aujourd'hui.

Claude Richard, un bon ami et ancien collègue de la victime, doute pour sa part de la thèse de la légitime défense. «Oui, Michel avait des défauts. Mais qui n'en a pas ?» dit le Matanais, rencontré hier après-midi sur le perron de sa maison.

Claude Richard, un vendeur de voitures, affirme être la dernière personne à avoir parlé à Michel Dugas, le vendredi 18 juin 1999 – la veille de sa disparition.

«Jeudi soir, nous étions sortis au centre-ville de Matane pour fêter la promotion de Michel au garage. Je lui ai parlé au téléphone le lendemain, vers 11 h 30. Il m'a dit qu'il ne rentrerait pas au travail et qu'il irait continuer la fête chez un ami à Amqui (le village voisin).»

Michel Dugas ne s'est jamais rendu chez son ami. Le lendemain, à l'aube, sa Chrysler Concorde grise a été trouvée sur les berges de la rivière Matane, à 100 mètres de son domicile.

Les phares étaient allumés et la portière du conducteur était ouverte. Sa prothèse dentaire et son porte-cartes étaient sur la banquette avant, mais Michel Dugas était introuvable.

«Le lendemain, toute la famille avait participé aux recherches avec Marie-Jeanne Gendron», se souvient Daniel Dugas, le frère de la victime. «Si c'est elle qui l'a tué, je ne sais pas comment elle a fait pour nous cacher ça pendant neuf ans», conclut pour sa part Georges Harrisson, le beau-frère de l'accusée.

Marie-Jeanne Gendron devrait revenir devant le juge au palais de justice de Rimouski le 5 septembre prochain pour son enquête préliminaire. L'enquête sur la mise en liberté des deux autres accusés est fixée à mercredi prochain.