Au cours des huit dernières années, plus de 135 000 criminels ont obtenu un pardon au Canada. De ce nombre, 883 pédophiles ont réussi à se faire pardonner des crimes allant du contact sexuel à l'inceste. Une situation intolérable, selon l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues du Québec (AFPAD).

«Une fois qu'un criminel obtient un pardon, il est plus difficile de retracer son dossier criminel. Ça permet à des individus parfois dangereux de s'infiltrer dans le système», dénonce le fondateur de l'AFPAD, Pierre-Hugues Boisvenu.

Ainsi, de septembre 2000 à juillet 2008, 136 357 Canadiens ont obtenu un pardon. Seulement 1294 criminels ont vu leur demande refusée. Chez les pédophiles, 883 individus ont reçu leur pardon contre 15 refus, révèlent des documents obtenus en vertu de la loi sur l'accès à l'information.

Le gouvernement canadien est-il trop clément ? «C'est très inquiétant. Ça veut dire qu'un bon nombre de criminels peuvent maintenant vivre comme si de rien n'était», affirme M. Boisvenu.

La Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) refuse d'être aussi alarmiste. Lorsqu'on examine les chiffres, seulement 0,2 % des pédophiles et 3,6 % des criminels récidivent après avoir reçu leur pardon.

Comment sont-ils pardonnés ?

Pour obtenir un pardon, les criminels doivent avoir purgé la totalité de leur peine et avoir présenté une conduite exemplaire dans les cinq années suivant la fin de leur sentence. «Ceux qui demandent un pardon sont généralement assagis. La procédure coûte 150 $ et prend du temps. Les gens qui n'ont pas un dossier exemplaire ne font pas de demande», affirme la porte-parole de la CNLC, Carole Ménard.

En obtenant un pardon, les criminels s'assurent que leur dossier est effacé de la banque de données criminelles nationale, dit-elle. «Mais les dossiers ne sont pas effacés complètement. Ils sont conservés ailleurs», assure Mme Ménard.

Les criminels ayant obtenu un pardon peuvent voyager plus facilement et ont davantage de chances de trouver un emploi. «Mais quand on lui demande s'il a eu des antécédents judiciaires, le criminel pardonné doit dire la vérité», affirme M. Bernheim. Toutefois, rares sont les employeurs qui posent cette question telle quelle. Mme Ménard reconnaît que la plupart des employeurs posent plutôt la question suivante : «Avez-vous déjà eu des démêlés avec la justice pour lesquels vous n'avez pas obtenu de pardon ?» Les criminels qui ont obtenu un pardon peuvent donc passer à travers les mailles du filet.

Dans une enquête réalisée en 2000, la revue Sélection du Reader's Digest a démontré que les écoles prennent très peu de mesures pour prévenir l'embauche de criminels, particulièrement de pédophiles. Seules trois provinces – l'Ontario, la Colombie-Britannique et le Manitoba – vérifient les casiers judiciaires des candidats avant de leur décerner un permis d'enseignement. Et dans le cas de criminels pardonnés, la recherche de casiers judiciaires est beaucoup plus complexe.

«Les pardons montrent l'attitude du Canada, où on dit que les criminels ont droit à une deuxième et une troisième chance, commente M. Boisvenu. C'est comme si les criminels n'étaient pas responsables de leurs actes.»

- Avec la collaboration de William Leclerc