Le Québec a été durement éprouvé par les intempéries au cours du week-end. Des centaines de Montréalais ont passé la journée d'hier à nettoyer les dégâts laissés par une averse historique dans l'est de la ville.

Et cette fois, le mot historique n'est pas superflu. La Ville de Montréal a confirmé que plus de 30mm de pluie sont tombés en 10 minutes samedi sur les secteurs d'Anjou et de Saint-Léonard, un phénomène qui ne risque de se produire qu'une fois tous les 100 ans. Environnement Canada qualifie une averse de «torrentielle» quand cette quantité d'eau tombe... en 60 minutes.

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Cette force a pris de court John Garcia: il était déjà trop tard quand il est descendu dans son garage pour tenter de sauver sa voiture. L'eau lui arrivait au milieu du torse. Sa rutilante Audi est restée sourde aux appels répétés de son démarreur à distance. Mauvais signe. «Le garagiste m'a dit qu'il pourrait la retaper s'il change le moteur, le système électrique, les sièges...» Bref, elle est fichue, et son compte de banque sera délesté d'au moins 25 000$ s'il décide de la remplacer. «Ma sono valait à elle seule 7000$», dit-il.

John Garcia a passé la matinée en compagnie d'une dizaine de voisins, le regard fixé sur les puissantes pompes chargées d'assécher les garages inondés de trois tours à logements de la rue Champs-d'eau, qui n'a jamais si bien porté son nom. Au plus fort de l'orage, samedi, l'accumulation d'eau y a atteint près d'un mètre. En soirée, 70 familles ont dû être évacuées quand on a découvert que certains systèmes électriques avaient pris l'eau.

La Croix-Rouge a été dépêchée sur place pour aider les sinistrés. Les pompiers et les techniciens d'Hydro-Québec aussi. «Je n'ai jamais rien vécu d'aussi éprouvant», a dit Veronica Hermans, qui a passé la soirée à répondre aux questions de locataires inquiets, courant d'un logement à l'autre.

À quelques coins de rue de là, le gymnase d'un organisme communautaire qui vient en aide aux décrocheurs a été transformé en piscine. Son responsable, Ali Nestor Charles, a estimé hier les dégâts à plus de 50 000$. «Nos ordinateurs, l'équipement sportif, le tapis, tout: il faudra tout enlever, sinon cela va moisir», a-t-il dit.

D'autres se sont dits plus chanceux. Gérald Aspirot venait, il y a trois mois à peine, de souscrire une assurance en cas de refoulement d'égout. Il touchera 10 000$. C'est peu. Cela ne remplacera pas toutes les tartes et les petits plats faits maison la veille et qui remplissaient son congélateur quand l'électricité a été coupée. «Mais je ne sais pas ce que j'aurais fait sans cet argent», a-t-il lancé, en désignant le bas de tous ses meubles trempés. Les sous-sols d'une centaine de maisons auraient été inondés à divers degrés dans l'est de la ville.

Tout l'est du pays

Les fortes pluies ont aussi causé des dégâts dans plusieurs régions de l'est du pays au cours des dernières heures. Dans le Bas-Saint-Laurent, samedi soir, une mère et son fils sont morts noyés quand leur voiture est tombée dans un lac à la suite de l'affaissement d'une partie de la chaussée près de Saint-Marc-du-Lac-Long. La Sûreté du Québec a repêché le cadavre du garçon en début de soirée. Les policiers cherchaient toujours le corps de sa mère et la voiture au moment de mettre sous presse. Le père, qui s'est extirpé in extremis du véhicule, a été transporté à l'hôpital, victime d'un violent choc nerveux.

En Beauce, une hausse rapide du niveau de la rivière Chaudière a forcé l'évacuation de dizaines de personnes. Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement, craignant la crue rapide de plusieurs cours d'eau, a annoncé hier la mise en place de mesures d'urgence. De fortes précipitations étaient aussi attendues en Estrie et en Gaspésie tard hier soir.

Mais selon Environnement Canada, la situation n'est pas exceptionnelle. «Bon an mal an, il y a une cinquantaine de pluies torrentielles au Québec, et on ne dépassera pas ce nombre. Peut-être même qu'on ne l'atteindra pas. Comme il fait moins chaud, les conditions sont moins favorables à la formation d'orages violents», a relevé hier le météorologue René Héroux. Les perceptions des Québécois sont peut-être faussées par le fait que, par pur hasard, ces épisodes semblent se produire plus souvent en milieu urbain plutôt que rural.