En mai dernier, le ministre Sam Hamad lançait sa stratégie nationale pour l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées. Cette stratégie est l'un des moyens élaboré pour que le Québec se suffise en main-d'oeuvre dans un proche avenir, alors que les travailleurs du baby boom vont quitter massivement.

En discordance avec cette visée, la Cour Suprême a rendu en juillet 2008 une décision qui permet à l'employeur Hydro-Québec de limiter son devoir d'accommodement envers une employée ayant de nombreux déficits fonctionnels physiques et mentaux. Le congédiement contesté par le syndicat a eu lieu en 2001. Les juges ont établi qu'il y avait contrainte excessive sur base des nombreuses tentatives de l'employeur d'accommoder le poste de travail de l'employée malade et souvent absente.

Je n'ai pas lu ce jugement, mais je me questionne. Cette contrainte excessive qui permet à l'employeur de congédier ne concorde-t-elle pas avec l'étape où l'employée ayant une maladie évolutive devient à proprement dire invalide à long terme? Dans ce cas, l'employeur qui est relevé de son devoir d'accommoder le poste de travail et peut ainsi congédier pour cause de maladie, se devrait de rencontrer par le même fait son obligation de mise en invalidité de l'employée malade. Cette obligation à l'égard de la mise en invalidité serait d'autant plus impérative qu'un employeur tel Hydro-Québec est un gros employeur, qu'il dispose d'une série de postes adaptables et, qu'en bout de carrière, il offre un plan de pension avec régime d'invalidité.

Laisser un travailleur malade, sans revenu d'emploi et sans prime d'invalidité, à un temps de sa vie où il devient effectivement invalide, et donc, ne peut satisfaire à des conditions d'embauche ailleurs, est une façon de l'appauvrir indûment. Il faut se rappeler que le Québec a adopté en 2002 une Loi visant à contrer la pauvreté et l'exclusion sociale, par laquelle le gouvernement s'est fixé comme objectif d'ici 2013 de joindre les pays industrialisés comptant le moins de personnes pauvres. Or, le jugement de la Cour Suprême de juillet 2008 ajoute des incertitudes sur le chemin de la réalisation d'un tel objectif anti-pauvreté au Québec.

Compte tenu que les jugements de la Cour Suprême font normalement jurisprudence, il serait approprié que le législateur, provincial et fédéral, corrige le tir immédiatement. Pourquoi ne pas préciser clairement dans le Code du travail et dans les conventions collectives que la contrainte excessive qui limite l'obligation d'accommodement aux limites fonctionnelles de l'employé handicapé dans un poste de travail, s'accompagne de l'obligation de mise en invalidité de l'employé malade chronique. L'employeur aurait ainsi formellement l'obligation d'évitement d'une pauvreté insidieuse survenant lorsque la personne malade et congédiée et se retrouve sans filet de sécurité.

Les efforts de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale doivent venir de tous les acteurs de la société incluant le législateur, les syndicats, les employeurs et les juges ou arbitres des différentes cours.

Luce S. Bérard

Granby