Kanesatake restera une plaque tournante pour le trafic d'armes et de stupéfiants si un conseil de bande divisé est une fois de plus élu, croit l'ancien grand chef James Gabriel. Et même si son ancienne équipe domine le scrutin de demain, il leur faudra un courage politique «exceptionnel» pour venir à bout de la criminalité qui sévit sur le territoire.

«Si la victoire n'est pas claire d'un bord ou d'un autre, la problématique de Kanesatake va continuer», explique James Gabriel qui travaille aujourd'hui comme représentant au service à la clientèle en Ontario. «Avec Steven Bonspille comme chef, le conseil a vraiment été limité dans ses actions. On vient de passer trois ans sans avancer.»

Selon James Gabriel, contraint de s'exiler dans un hôtel de Laval durant près d'un an après l'incendie de sa maison en janvier 2004, les criminels sont rois à Kanesatake. «Ce n'est plus un secret pour personne que les Hells Angels, la mafia chinoise et la mafia italienne ont des liens très étroits avec certains membres de la communauté.»

À son avis, les gouvernements provincial et fédéral ont abandonné les autochtones. «Ils ne dépenseront pas leur capital politique pour régler un problème qui touche une petite population comme celle de Kanesatake», dit-il.

Quant au passé des candidats, James Gabriel se dit stupéfait. «C'est surréel de voir que des gens comme Deborah Etienne, qui sont à l'origine de l'incendie de ma maison, se présentent», dit-il.

Pour l'ancien grand chef, qui rend visite à sa mère à Kanesatake quelques fois par année, l'avenir de Kanesatake passe par le retour d'une police autochtone sur le territoire. «Oui il faut un changement, mais pas n'importe lequel. En ce moment, la moitié de la population veut du changement pour le bien de la communauté et l'autre, pour faire ce qu'elle veut. Le problème c'est que plus le temps avance, plus le bon monde va perdre espoir.»

Kanesatake en cinq dates

> Mars 1990

Début de la crise d'Oka. Des Mohawks de Kanesatake érigent une barricade pour empêcher le prolongement d'un terrain de golf sur des terres qu'ils revendiquent. La crise se résorbe 78 jours plus tard après la mort d'un policier de la Sûreté du Québec et le déploiement de 2500 soldats canadiens.

> Fin 2003

Le grand chef James Gabriel convainc le gouvernement fédéral de lui verser 900 000$ afin d'éradiquer le crime organisé à Kanesatake qui s'est graduellement implanté dans la communauté depuis la crise d'Oka.

> Janvier 2004

James Gabriel passe à l'action et tente de remplacer les policiers mohawks, qu'il considère comme corrompus, par des policiers autochtones de l'extérieur du territoire. L'opération échoue et les policiers venus en renfort sont séquestrés par des émeutiers. La résidence de Gabriel est incendiée et le grand chef s'exile.

> Juin 2005

L'équipe de James Gabriel est élue, sans son chef. C'est son rival, Steven Bonspille, qui est choisi comme grand chef.

> Février 2007

À la demande de Steven Bonspille, le gouvernement Harper lance une vérification juricomptable sur les sommes dépensées pour assurer la sécurité à Kanesatake depuis 2003. Publié en mai dernier, le rapport révèle que le ministère fédéral de la Sécurité publique a mal géré des millions de dollars versés par Ottawa à la police autochtone de Kanesatake lors de la crise de 2004.