Des interprètes afghans qui ont été blessés ou amputés en aidant les Forces armées canadiennes réclament maintenant le droit d'asile au pays.

Ils font partie de cette cohorte de jeunes qui ont été mutilés ou tués en servant d'interprètes pour les différentes unités de combat internationales venues pour combattre les talibans dans leur pays.

Ils ont été victimes de tirs ennemis, d'attentats à la bombe, torturés ou menacés de sévices.

Dans au moins un cas, les cadavres de plusieurs interprètes ont été laissés suspendus pendant des semaines dans un parc public pour servir d'exemple à quiconque aideraient les étrangers.

Hasham est l'un de ces survivants. Avec son allure de grand adolescent et son sourire d'enfant, il raconte comment sa vie a basculé le jour où une mine lui a arraché la jambe gauche lorsqu'il circulait sur une route. Il n'y avait plus d'avenir possible pour lui en Afghanistan.

Vendredi, Hasham s'est traîné sur le tapis de son appartement pour atteindre la lettre que lui a expédiée le major canadien Mike Lake. Dans la missive, l'officier le félicite pour sa bravoure et sa loyauté. Hasham tend la lettre et demande au journaliste canadien de l'utiliser pour l'aider à immigrer au Canada.

Quand on lui explique que pour entrer au Canada, on doit remplir des formulaires, acquitter des frais, répondre à certains critères et obtenir ses papiers, il lance un soupir d'exaspération.

Il entend toujours les mêmes excuses. Il semble qu'il y ait beaucoup de bureaucratie au Canada. Dans son pays, un simple coup de téléphone, un pot-de-vin à la bonne personne, et le travail est vite fait.

«Je leur ai dit: je ne veux pas de compensation pour ma jambe, je veux juste qu'on m'accueille au Canada.»

Il aimerait bien s'installer en Saskatchewan ou dans «cette partie où on parle français» (le Québec).

Servir d'interprète est un travail tellement risqué, selon les soldats canadiens, que ceux qui y échappent parce qu'ils sont blessés sont contents. L'autre jour, l'un d'eux est arrivé avec des lunettes soleil, un sourire accroché aux lèvres. Quand on lui a demandé la raison de sa bonne humeur, il a seulement répondu qu'il avait été blessé à l'oeil et qu'il serait muté à un poste plus sûr à l'intérieur de la base.

Les soldats canadiens encouragent les interprètes afghans à se regrouper en syndicats pour faire reconnaître leurs droits, mais à cela Hasham répond que ce qu'il désire c'est être accueilli au Canada.

En fait, il connaît peu ce pays qu'il a servi pendant huit mois, avant d'être blessé par une bombe artisanale lancée sur son convoi, mais il dit bien connaître deux soldats canadiens.

Depuis l'accident, en avril dernier, Hasham est confiné dans une minuscule pièce en compagnie d'une demi-douzaine d'hommes, près de la base militaire de Kandahar.

Sa mère ne sait pas qu'il est handicapé et lui demande régulièrement quand il retournera voir sa famille qui habite près de Kandahar. «Ce n'est pas bon de revenir chez moi et que les voisins me voient ainsi.»

Quelqu'un pourrait dire aux talibans que l'homme handicapé a dû travailler pour les étrangers. Ce qui pourrait entraîner des représailles contre lui ou sa famille.

Il touche toujours son chèque mensuel de 600 $ canadiens, mais comme plusieurs autres interprètes blessés, il doit attendre pour obtenir une compensation pour la perte de sa jambe.

Ce salaire permet de faire vivre plusieurs membres d'une même famille, affirme Sonny Achakzai, propriétaire d'une compagnie qui emploie environ 1200 interprètes qui travaillent à Kandahar.

Il admet toutefois que les compagnies d'assurances locales sont très lentes pour régler les réclamations.

Ils voient leurs collègues se faire tuer, mais ils sont prêts à risquer leur vie pour nourrir la famille, explique Sonny Achakzai, lors d'une entrevue faite à partir de Los Angeles.

Pour sa part, le caporal Tim Laidler a dit espérer que le gouvernement canadien trouvera une façon d'aider les interprètes blessés comme Hasham.