Lino Saputo n'est pas la première personnalité publique dont le nom est utilisé à son insu dans des écoutes téléphoniques policières italiennes.

En Italie, la plupart des documents juridiques sont accessibles seulement par les procureurs et les avocats. Par contre, il n'y a pratiquement pas de sanctions contre les coulages aux médias. Des transcriptions intégrales d'écoute électronique sont donc régulièrement rendues publiques dans les médias, sans que les personnes dont le nom y est cité puissent demander à un juge d'expurger les transcriptions, comme cela se produit régulièrement ici.

Le célèbre politicien et ancien procureur anti-corruption Antonio Di Pietro a par exemple été brièvement sur la sellette quand des enquêteurs ont coulé une mauvaise transcription d'écoute téléphonique où un suspect semblait dire que Di Pietro l'avait dévalisé. En fait, di Pietro lui avait fait peur, «sbiancato» au lieu de «sbancato», «dévalisé».

Le gouvernement de centre gauche de Romano Prodi est tombé après l'emprisonnement de l'épouse du ministre de la Justice, Clemente Mastella, parce qu'elle avait utilisé une expression populaire ambiguë lors d'une conversation avec une personne qui était sous écoute. Elle a dit «pour moi il est mort», qui signifie qu'on ne veut plus rien savoir de quelqu'un. Les observateurs familiers avec le dossier s'attendent à un non-lieu.

En entrevue avec La Presse, le sénateur Mastella a déclaré que l'un de ses objectifs politiques étaient une loi renforçant les sanctions contre la divulgation dans les médias des portions d'écoutes électroniques impliquant des personnes qui ne sont pas présentement accusées. «C'est trop facile en ce moment d'utiliser les écoutes comme instrument politique», a dit M. Mastella.

L'ancien président de la Commission antimafia, Giuseppe Lumia, a pour sa part dû se battre pour faire publier l'intégralité d'une écoute téléphonique coulée aux médias, dont le début donnait l'impression qu'il était lié à la mafia. Mais il estime que le système actuel permet parfaitement de se défendre, «tant qu'on n'a rien à se reprocher». «Je pense que la liberté de presse est un principe particulièrement important pour l'Italie», explique-t-il en entrevue dans ses bureaux du centre-ville de Palerme, sous lesquels font le guet les voitures sombres de son escorte.

À la Direction nationale antimafia, le procureur Alberto Cisterna admet que parfois des accusations basées sur de seules écoutes téléphoniques sont fragiles. «Une nouvelle directive qui impose la révision d'une requête en détention préventive par trois magistrats plutôt qu'un seul permettra de mieux encadrer le processus», affirme-t-il en entrevue dans ses bureaux de la rue Giulia, près du Tibre. «Mais la compréhension de ce qui se dit dans les écoutes demeurera toujours délicate. Ce matin j'étais en train d'écouter un enregistrement avec un collègue. Il se peut que nous ayons mal compris ce qui se disait, les sous-entendus. Une erreur est toujours possible.»

Précision sur Lino Saputo

Dans son numéro du 17 juillet 2008, La Presse soulignait que M. Lino Saputo avait été victime d'une histoire de blanchiment d'argent inventée par Mariano Turrisi alors que celuici a reconnu avoir utilisé le nom de M.Saputo à son insu.

Cet article reprenait la conclusion des enquêteurs italiens qui avaient alors fermé définitivement leur dossier sur les dires de M. Turrisi et dont La Presse faisait état dans son édition du 12 décembre 2007.

Dans ces reportages, nous avions pris soin d'indiquer que M. Saputo n'était pas sous enquête. Néanmoins, La Presse reconnaît que certains lecteurs ont pu avoir l'impression du contraire. Nous regrettons les inconvénients causés par cette interprétation.

C'est pourquoi nous tenons à préciser que le nom de M. Saputo n'a jamais figuré au "registre des personnes faisant l'objet d'une enquête" relativement au procès impliquant M. Turrisi. La Presse réitère donc que M. Saputo n'a pas fait l'objet d'une enquête formelle de la police italienne.