Alors que la police italienne affirme que le nom de Lino Saputo a été utilisé à son insu dans l'affaire Orso Bruno, elle en arrive toutefois à une conclusion fort différente dans le cas de Vito Rizzuto.

Le procureur responsable du dossier Orso Bruno, Italo Ormanni, et ses enquêteurs ne sont pas convaincus que Turrisi a complètement inventé ses liens avec Vito Rizzuto.

Me Ormanni pense en fait que Turrisi et ses partenaires d'affaires ont comploté avec Rizzuto pour faire du blanchiment d'argent par le biais du magazine Made in Italy. Et donc, qu'il ne s'agit pas simplement d'une fraude de quelques dizaines de milliers d'euros commise par Turrisi à l'égard de ses partenaires.

Des passages d'écoute électronique convainquent les enquêteurs: ceux où Turrisi parle de Vito Rizzuto à des proches - donc pas à des gens qu'il cherchait à berner. La police dispose également d'une conversation captée en 2003 entre Turrisi et Rizzuto durant laquelle ce dernier lui dit qu'il est secrètement associé à une entreprise de poubelles et de bacs de recyclage urbains, OMG Media.

Or, pendant un interrogatoire de Turrisi mené en février dernier, Me Ormanni affirme que Vito Rizzuto est une personne extrêmement peu loquace au téléphone; s'il partage avec Turrisi une information confidentielle comme celle-là, c'est que les deux hommes ont des liens plus étroits que ne veut bien l'admettre Turrisi.

«Turrisi ne peut connaître les raisons pour lesquelles Rizzuto lui dit cela», se borne à commenter Me Carpinella, en entrevue avec La Presse. Dans l'interrogatoire, Turrisi ne répond pas aux questions de Me Ormanni sur la conversation de 2003 avec Rizzuto. Pour ce qui est des mensonges à ses proches, Me Carpinella indique que Turrisi trouvait plus facile de dire le même mensonge à tout le monde.

Les enquêteurs italiens n'arrivent pas non plus à croire que Turrisi ait réussi à utiliser le nom de Rizzuto à son insu. «Si c'était le cas, nous n'aurions pu l'arrêter vivant», estime Me Ormanni: Rizzuto l'aurait fait abattre bien avant, selon lui.

En entrevue avec La Presse dans ses bureaux voisins du Tibre, Paolo Gemelli, l'avocat de deux des complices de Turrisi, les frères Roberto et Antony Papalia, avance que Rizzuto est beaucoup moins influent qu'avant son arrestation pour triple meurtre, en 2004; cela expliquerait comment Turrisi a pu invoquer impunément son nom.

Vito Rizzuto se trouve actuellement en prison aux États-Unis pour son rôle dans un triple meurtre commis en 1981. Rizzuto est aussi accusé dans le cadre d'un procès italien actuellement en cours à Rome, pour une affaire de blanchiment d'argent relatif au pont que le gouvernement italien veut construire entre l'Italie et la Sicile.

Quant à l'affaire Orso Bruno, elle se poursuivra en septembre prochain lorsque Turrisi et une quinzaine de ses comparses comparaîtront pour être inculpés. Les accusations formelles ne seront connues qu'à ce moment.

Précision sur Lino Saputo

 

Dans son numéro du 17 juillet 2008, La Presse soulignait que M. Lino Saputo avait été victime d'une histoire de blanchiment d'argent inventée par Mariano Turrisi alors que celuici a reconnu avoir utilisé le nom de M.Saputo à son insu.

Cet article reprenait la conclusion des enquêteurs italiens qui avaient alors fermé définitivement leur dossier sur les dires de M. Turrisi et dont La Presse faisait état dans son édition du 12 décembre 2007.

Dans ces reportages, nous avions pris soin d'indiquer que M. Saputo n'était pas sous enquête. Néanmoins, La Presse reconnaît que certains lecteurs ont pu avoir l'impression du contraire. Nous regrettons les inconvénients causés par cette interprétation.

C'est pourquoi nous tenons à préciser que le nom de M. Saputo n'a jamais figuré au "registre des personnes faisant l'objet d'une enquête" relativement au procès impliquant M. Turrisi. La Presse réitère donc que M. Saputo n'a pas fait l'objet d'une enquête formelle de la police italienne.