Des citoyens canadiens vivant en Israël ont déposé une poursuite en dommages de 6,1 millions hier contre la Lebanese Canadian Bank (LCB), qui a un bureau à Montréal et qui, selon eux, aurait facilité des transferts bancaires au profit du Hezbollah avant et pendant la guerre de l'été 2006.

Les plaignants habitaient le nord d'Israël lorsqu'ont éclaté les combats entre l'armée israélienne et le Hezbollah, un mouvement politique chiite qui a des représentants au Parlement libanais, mais qui est considéré comme une organisation terroriste par le Canada et les États-Unis. Près de 1200 Libanais et 160 Israéliens sont morts pendant le conflit, qui a duré un mois.

À l'origine, la LCB était la succursale libanaise de la Banque Royale du Canada. Elle est devenue une entité autonome en 1988. Il s'agit d'une des principales banques du Liban. Elle a un seul bureau de représentation à l'étranger, au 15e étage de la Place Ville-Marie.

«Les opérations terroristes du Hezbollah sont financées de plusieurs façons, notamment par les levées de fonds effectuées par des sources privées disséminées dans plusieurs pays et par les transferts monétaires au Liban», soutient la poursuite déposée à la Cour supérieure du Québec, hier.

«Depuis 1984, la LCB a fourni d'importants services financiers et bancaires au Hezbollah. Spécifiquement, la LCB a permis aux deux bras financiers du Hezbollah - la Yousser Company for Finance and Investment (Yousser') et la Martyrs (Shahid) Foundation (Martyrs') - d'ouvrir et de garder des comptes bancaires à la LCB, de transférer gratuitement des fonds substantiels du Hezbollah et de réaliser des transactions financières significatives, à l'intérieur et à l'extérieur du Liban, par le biais de transferts en ligne, de lettres de crédit, d'émission de carnets de chèques et de cartes de crédit.

«Le Hezbollah a utilisé les services financiers fournis à la LCB au Yousser, aux Martyrs et à d'autres, pour édifier son infrastructure terroriste, entraîner, payer et équiper ses brigades terroristes, et pour mener ses attaques terroristes, y compris des attaques contre les plaignants et leurs maisons.»

La première plaignante, Sarah Yefet, née à Rouyn-Noranda, est mère de la deuxième plaignante, Shoshana Sappir, née à Toronto. Elles habitaient à Safed, en Galilée (nord d'Israël), avec le mari de Mme Sappir et leur enfant de 2 ans. Les autres plaignants sont Rochelle Shalmoni, née à Toronto, et son mari, Oz Shalmoni, immigré au Canada à l'âge de 8 ans. Le couple, qui a trois enfants, vivait à Karmiel, également en Galilée.

Selon la poursuite, déposée par le cabinet d'avocats montréalais Boro, Ponicky, Lighter, des roquettes lancées par le Hezbollah ont détruit les maisons de Mmes Yefet et Sappir à Safed et des Shalmani, à Karmiel.

Sarah Yefet et sa fille Shoshana Sappir étaient chez elles lorsque la première roquette est tombée. Mme Sappir était enceinte de cinq mois: elle s'est retrouvée à l'hôpital. Sous le choc, elle a accouché d'urgence, par césarienne. Pendant qu'elle et sa mère étaient encore à l'hôpital, une autre roquette a détruit leur maison. Depuis, la petite famille vit dans un petit appartement peu adapté à ses besoins.

Rochelle et Oz Shalmoni, ainsi que leurs enfants, se trouvaient en voyage au Canada en juillet 2006. Leur maison, ainsi que l'école des enfants, ont été lourdement endommagées par les roquettes. Ces explosions ont créé des traumatismes sérieux chez les plaignants et leurs enfants, ajoute la requête.

La poursuite cite le Code criminel du Canada, qui interdit à quiconque de financer une organisation terroriste. Les plaignants affirment que la LCB a servi à financer le Hezbollah, mais sans donner de détails. «Les preuves seront dévoilées au procès», a déclaré Me Nitsana Darhan-Leiter, avocate du Centre de droit d'Israël, jointe à Tel-Aviv hier et qui a participé à la rédaction de la requête.

«J'ai été très surprise d'apprendre le dépôt de cette poursuite, a dit Tina Al Hattouni, représentante de la banque à Montréal. Je nie toutes les allégations. Je précise aussi qu'on ne peut faire aucune transaction financière au Canada: nous n'avons pas les permis pour cela. Le bureau de Montréal est seulement un bureau de représentation.»

«En effet, rétorque Me Darhan-Leiter. Mais il est de notoriété publique que la LCB est utilisée par le Hezbollah.»