Un "faux pas" n'est pas une erreur. Il s'agit d'un acte ou d'une parole sincère qui, pour des raisons politiques ou sociales, aurait dû être évité(e). Mais puisque quelqu'un a fait un faux pas, parlons-en.

Un "faux pas" n'est pas une erreur. Il s'agit d'un acte ou d'une parole sincère qui, pour des raisons politiques ou sociales, aurait dû être évité(e). Mais puisque quelqu'un a fait un faux pas, parlons-en.

Dans un entretien accordé au magazine Fortune, Charlie Black, le premier conseiller en stratégie de John McCain, a indiqué que le candidat à l'investiture républicaine gagnerait de nombreux soutiens si les États-Unis subissaient un attentat terroriste avant l'élection. C'est d'une évidence imparable : même les ermites qui vivent dans des grottes depuis la Grande dépression savent que la politique américaine fonctionne comme ça. Seulement voilà, on n'est pas censé dire ces choses-là !

On comprend aisément comment Charlie Black a été poussé vers ce faux pas. Il avait évoqué de l'assassinat, au mois de décembre, de la chef de l'opposition pakistanaise, Benazir Bhutto, expliquant qu'il s'agissait d'un exemple de situation de crise où l'expérience de John McCain l'emporterait sur les lacunes de Barack Obama.

"Les connaissances [de John McCain] et sa capacité à en parler a encore une fois montré que c'est lui qui est prêt à être commandant en chef, a déclaré M. Black. Et ça nous a aidé [dans les sondages]". Le journaliste lui a alors posé la question qui s'imposait comme une suite logique, à savoir si les Américains considéreraient également John McCain comme celui qui saurait le mieux affronter un autre attentat terroriste contre les États-Unis.

Qu'était-il censé répondre ? "Non, je suis convaincu que le sénateur Obama saurait gérer cette situation jusqu'au bout, tout comme le candidat que je soutiens" ? Précisons qu'il s'agissait d'une entrevue en direct et il se trouve que M. Black avait créé, par inadvertance, une telle ouverture que le journaliste a pu lui poser la question taboue. Il a tout simplement mis les pieds dans le plat : "Ce serait sans aucun doute un gros avantage pour McCain." Le camp démocrate feint le choc et l'horreur, prétendant que le conseiller du candidat républicain joue la "politique de la peur".

Basse démagogie

C'est de la politique démagogique de bas étage. Voilà pourquoi, aux États-Unis, les débats politiques sur certains grands sujets depuis les attentats du 11 septembre se limitent à des slogans fades et bêtifiants quel que soit le parti. Barack Obama ne peut pas se permettre de dire qu'on gonfle à bloc la "menace terroriste" qui pèse sur les États-Unis depuis sept ans et qu'il est grand temps qu'on la ramène à ses vraies proportions (plutôt modestes) et qu'on reprenne les autres dossiers importants, délaissés depuis longtemps. Les républicains le fustigeraient virulemment et diraient qu'il est "mou sur la question du terrorisme". Qui plus est, les médias se feraient, sans aucun regard critique, l'écho de cette accusation.

M. Black a dû personnellement se confondre en excuses. Quant à John McCain, il s'est vu forcé de prendre, autant que possible, ses distances par rapport à son conseiller : "Je ne vois pas pourquoi Charlie Black aurait dit cela. Ce n'est pas vrai. Je travaille sans relâche depuis le 11 septembre pour empêcher un autre attentat contre les États-Unis." Évidemment que c'est vrai : des attaques terroristes en Amérique pousseraient des millions d'électeurs à se réfugier auprès du "Monsieur Sécurité". Car nombreux sont ceux qui croient qu'un ancien pilote de chasse sait forcément mieux gérer une telle situation qu'un sénateur à son premier mandat.

Le vrai intérêt

Alors posons une question qui présente davantage d'intérêt. Que souhaiteraient vraiment faire "les terroristes" aux États-Unis entre maintenant et novembre, à supposer qu'ils aient la capacité d'organiser des actions ? Attaquer à présent ou plus tard ?

Évidemment, on ne parle pas ici des jeunes qui se cherchent et rêvent des 72 vierges. On parle des dirigeants de haut niveau qui réfléchissent aux stratégies et planifient leurs actions des années à l'avance. S'ils veulent que John McCain accède à la présidence des États-Unis, ils lui offrent l'attentat dont Charlie Black a dit - et il n'a pas tort - qu'il donnerait des voix aux républicains. S'ils veulent que Barack Obama l'emporte, ils ne font rien du tout.

Je n'ai pas la capacité de lire dans leurs pensées, mais je crois savoir ce qui ferait basculer leur choix d'un côté ou de l'autre. S'ils veulent récupérer leurs gains tour de suite, ils miseront sur Barack Obama et un retrait anticipé du Moyen-Orient. Après quoi ils pourront raisonnablement espérer renverser un ou deux régimes de la région et prendre le pouvoir.

S'ils préfèrent faire laisser les États-Unis embourbés plus longtemps dans la région, continuer à infliger des pertes aux soldats américains et renforcer leur prestige auprès des jeunes radicaux, espérant obtenir des avantages politiques ultérieurement, il faut qu'ils soutiennent John McCain. Dans ce cas, ils tenteraient de favoriser son élection en posant une bombe aux États-Unis.

Mais le fait est qu'ils manquent vraisemblablement de la capacité à mener un quelconque attentat aux États-Unis. Cette question reste donc purement théorique.

gdyer@ledroit.com