L'entente interprovinciale sur la mobilité de la main-d'oeuvre pourrait coûter des milliers de travailleurs au réseau de santé québécois, craint le syndicat des infirmières.

La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) craint que le pacte ne provoque une véritable saignée de diplômés vers d'autres provinces.

Jeudi, à la réunion annuelle du Conseil de la fédération, les premiers ministres provinciaux ont décidé de permettre aux travailleurs canadiens de pratiquer leur métier n'importe où au pays. Ils s'engagent à reconnaître leurs diplômes et leurs permis de travail, quelle que soit la province où ils l'ont obtenu, d'ici au 1er avril 2009.

Or, les cliniques et hôpitaux du Québec sont déjà aux prises avec une criante pénurie d'infirmières, constate la présidente de la FIQ, Lina Bonamie. Elle craint que l'entente ne déroule le tapis rouge pour celles qui souhaitent gagner un meilleur salaire dans d'autres provinces.

«Le Québec est la province où les infirmières sont le moins bien rémunérées au Canada, fait-elle valoir. Prenons une infirmière avec une formation universitaire. Si je la compare à une infirmière albertaine, il y a une différence salariale de 20 000$ par année.»

La FIQ demande à Québec de soustraire certaines professions à l'entente, notamment les infirmières auxiliaires et les inhalothérapeutes, qui manquent cruellement dans le système de santé.

Le premier ministre Jean Charest se fait rassurant. «Je n'ai pas d'inquiétudes là-dessus, a-t-il indiqué. Quand je fais le bilan de ce que nous offrons au Québec et ce qui est offert ailleurs en matière de conditions de travail, le Québec est un endroit qui se compare très bien à nos voisins.»

Il estime au contraire que les infirmières sortiront gagnantes de l'entente puisqu'elle incitera les gouvernements à améliorer les conditions de travail dans leurs réseaux respectifs. Le ministère de la Santé a d'ailleurs entamé des pourparlers avec les infirmières pour améliorer leur traitement.

«Mon objectif est d'augmenter le mieux possible et le plus rapidement possible les conditions de travail de tous ceux qui sont au service de l'État», a indiqué le premier ministre. C'est pourquoi la vice-présidente de la CSQ, Diane Charlebois, ne croit pas que la reconnaissance des formations entre provinces provoquera un vaste exode de la main-d'oeuvre.

«C'est une préoccupation qu'on peut avoir, surtout lorsqu'on a une pénurie de main-d'oeuvre, de voir partir nos professionnels partir, a-t-elle convenu. Mais s'ils partent, c'est parce qu'ils trouveront de meilleures conditions de travail.»

Pertes

L'exemple de certains métiers pourrait toutefois porter à croire le contraire. En 1999, l'Ordre des ingénieurs du Québec a ratifié une entente de mobilité avec les autres associations professionnelles. L'an dernier, une dizaine d'ingénieurs du Canada anglais ont pris contact avec l'OIQ pour obtenir un permis de pratique chez nous. Au même moment, entre 200 et 300 ingénieurs ont quitté le Québec pour une autre province ou pour les États-Unis. Seule l'arrivée de candidats étrangers a permis d'éviter une pénurie plus aiguë.

«Vous savez qu'il y a un boom économique dans l'Ouest depuis quelques années, a dit le président de l'Ordre, Zaki Ghavitian. On perd beaucoup de nos ingénieurs. Et ça, c'est parce que les conditions de travail et de rémunération ici ont stagné au cours des dernières années.»

Avec la collaboration de Tommy Chouinard