La Cour suprême s'est prononcée hier en faveur du congédiement par Hydro-Québec d'une employée malade qui avait manqué 960 jours de travail entre 1994 et 2001. Le jugement, qui rappelle que les employeurs doivent faciliter la vie aux employés malades, souligne qu'ils n'ont pas pour autant à «modifier de façon fondamentale les conditions de travail d'un salarié».

L'employée en question, dont le nom n'est pas dévoilé, souffrait de très nombreux problèmes physiques et mentaux: «Tendinites, épicondylites, bursite, nombreuses interventions chirurgicales liées à différents problèmes, prise de médicaments pour l'hypothyroïdie et l'hypertension, dépressions et trouble de la personnalité mixte avec des traits de caractère bordeline et de dépendance.»

Lors de son congédiement, en juillet 2001, la salariée ne s'était pas présentée au travail depuis 60 jours. Son médecin lui avait prescrit un arrêt de travail d'une durée indéterminée. Une expertise menée par un psychiatre d'Hydro-Québec indiquait cependant que l'employée, dont les tâches avaient déjà été revues à la baisse, ne serait plus en mesure de fournir «une prestation de services régulière et continue sans continuer à présenter un problème d'absentéisme comme dans le passé».

Le Syndicat des employés de techniques professionnelles et de bureau d'Hydro-Québec a porté plainte pour congédiement non justifié. La plainte a d'abord été rejetée, l'arbitre estimant que, pour accommoder la travailleuse, «l'employeur devrait fournir périodiquement, sur une base récurrente, un nouvel environnement de travail, un nouveau supérieur immédiat et de nouveaux collègues pour (pallier) l'évolution du cycle amour-haine que (la salariée) entretiendra avec ses supérieurs et ses collègues.»

En appel, la Cour d'appel a ensuite donné raison au syndicat, concluant qu'Hydro-Québec n'avait pas prouvé qu'il lui était impossible de composer avec les exigences de la plaignante.

Dans son jugement unanime, la Cour suprême a invalidé cette conclusion. «En cas d'absentéisme chronique, si l'employeur démontre que, malgré les accommodements, l'employé ne peut reprendre son travail dans un avenir raisonnablement prévisible, il aura satisfait à son fardeau de preuve et établi l'existence d'une contrainte excessive», écrivent les magistrats.

L'avocat Jean-François Pedneault, spécialiste du droit du travail au cabinet Monette Barakett, estime qu'il s'agit d'une décision importante puisqu'elle clarifie ce qu'est une contrainte excessive pour les employeurs. «Avec la décision de la Cour d'appel, les employeurs étaient contraints de refaire une nouvelle analyse et de regarder s'il n'était pas possible de réaménager le travail d'une personne malade chaque fois que ses besoins changeaient. Les employeurs pouvaient se demander: quand est-ce que je dois arrêter? La Cour suprême dit qu'il n'est pas nécessaire de refaire l'exercice en entier pour démontrer qu'il y a une contrainte excessive. Il faut plutôt regarder les efforts qui ont déjà été faits.»

Le conseiller syndical Louis Bergeron, qui suit le dossier depuis le début, croit que ce jugement poussera les employeurs à «utiliser cette voie-là pour justifier le renvoi de travailleurs malades».