C'est dans l'indifférence totale de la population de Saint-Pie que 500 membres des Hells Angels ont célébré hier le 30e anniversaire de leur implantation au Canada. Rassemblés dans un camping de cette petite municipalité de la Montérégie, les motards festoyaient pourtant dans une ambiance quelque peu particulière.

Alors que l'hélicoptère de la Sûreté du Québec survolait le campement du club hier après-midi, plusieurs enfants de motards sautillaient dans des jeux gonflables érigés pour l'occasion. Au pourtour du camping, des hommes vêtus de la veste du gang circulaient, souriants et détendus, au bras de leur copine. Pendant ce temps, des policiers de la SQ s'affairent à filmer et à photographier les Hells en vacances, et les Hells, les policiers en service.

Seuls les motards et leurs sympathisants étaient autorisés à pénétrer sur les lieux de la fête. Les Hells interrogés ont tous décrit l'événement comme une fête familiale. «On n'est pas en train de tuer des enfants!» a lancé, le sourire en coin, un motard de Québec. «Nous sommes là pour nous retrouver entre chums, nous soûler et faire la fête, a ajouté son confrère de Trois-Rivières. On ne dérange personne.»

Le maire de Saint-Pie, Robert Bergeron, ne semblait pas faire de cas de la venue massive de motards dans le village de 5000 habitants. «Quand on parle des Hells, c'est toujours un peu insécurisant, mais l'an passé, 200 d'entre eux sont venus au camping et on n'a pas eu de troubles, à part le bruit. Tant que tout est fait dans le respect, ça ne me pose pas de problème.»

Luc Robert, qui vit en face du Camping Saint-Pie depuis 20 ans, regardait sereinement le va-et-vient des Hells Angels en fin d'après-midi. «Si je ne les achale pas, ils ne m'achaleront pas, explique-t-il. De toute façon, les partys d'après-bal et ceux des cégépiens sont bien plus rock'n'roll.»

Circulation perturbée

La Sûreté du Québec a fait le nécessaire pour s'assurer du bon déroulement de la fin de semaine. Trois barrages policiers étaient installés sur les routes menant au site. À chaque poste, une douzaine d'agents s'affairaient à noter l'identité de chaque motard, à photographier, filmer et vérifier les immatriculations.

La tension était palpable entre les deux groupes, même si la SQ n'a arrêté personne. «Ce sont de grands criminels, c'est normal qu'on les surveille de près», a insisté un des policiers.

«On se fait écoeurer par les policiers, a dit un Hells de Trois-Rivières. Ma face, ils l'ont déjà filmée 500 fois.»

Les barrages

Jacques Guertin, qui avait pour l'occasion organisé des courses d'accélération à moto (drag) à la piste Sanair, à côté du camping, est persuadé que ce sont les barrages policiers, et non les motards, qui ont fait fuir les résidants, qui assistent habituellement en grand nombre aux activités du genre.

«Les Hells font leur petite affaire et ne dérangent personne. Mais les barrages policiers nuisent vraiment à la popularité du drag», dit le propriétaire de la piste de course.

La commémoration de la création de la section montréalaise du club de motards devait se terminer avec un spectacle musical et une soirée dansante. «C'est ça que ça prend pour célébrer notre club d'enfer!» a dit un de ses membres.