C'est un été chaud pour Stéphane Dion. Le chef libéral s'est lancé dans ce que l'on appelle, dans la tradition politique canadienne, la tournée des BBQ. Le défi? Ne pas sortir de l'opération tout cuit.

En fait, il ne s'agit pas d'une tournée estivale habituelle où le chef d'un parti se contente de serrer des mains loin du regard scrutateur des médias, de forger des alliances et de roder son organisation en prévision de prochaines élections. Stéphane Dion, lui, a décidé de faire comme s'il était déjà en campagne électorale et d'y aller avec la vente à domicile de sa politique environnementale, son fameux Tournant vert.

«Bonne chance!» lui ont lancé ses rivaux, le sourire fendu jusqu'aux oreilles.

Imaginez! Aller prêcher dans la riche Alberta pétrolière les bienfaits d'une taxe sur le carbone! Aller expliquer aux Albertains qu'ils devront payer plus que les autres Canadiens pour combattre les émissions de gaz à effet de serre! Ce n'est pas de cette façon que le chef libéral présente les choses, mais c'est ainsi qu'elles sont souvent comprises dans l'Ouest. Cela rappelle déjà aux habitants des Prairies le Plan national de l'énergie de Marc Lalonde, tant décrié à l'époque.

Tout le monde s'entend pour dire que le chef libéral n'a pas froid aux yeux.

Ce que vend Stéphane Dion dans ces raouts en bermuda, c'est l'idée que les familles à petits revenus et à revenus moyens vont profiter de baisses d'impôts importantes afin de compenser l'instauration de nouvelles taxes sur la pollution. Le chef libéral assure que ce stratagème permettra de réduire de beaucoup les émissions de GES. Ses opposants qualifient le plan de «fantaisie écologique». M. Dion est convaincu que les Canadiens approuveront sa politique, puisqu'il s'agit d'une «bonne politique».

Du point de vue de la tradition des tournées de BBQ, il est inusité qu'un chef veuille engager ainsi les estivants dans un tel débat de fond. Paul Martin - tout juste viré du cabinet de Jean Chrétien - s'était lancé à l'été 2002 dans une tournée semblable qui avait attiré des milliers de partisans et qui avait envoyé un message clair au premier ministre en poste. M. Martin n'avait eu qu'à se montrer dans les jardins, les arrière-cours, les parcs et les terrains de camping pour obtenir le résultat que l'on sait. Stephen Harper, l'actuel premier ministre, avait également parcouru en long et en large le Sud-Ouest ontarien à l'été 2005, après sa décevante défaite électorale de 2004, ce qui avait eu pour effet de remettre son parti sur les rails et de lui permettre voguer vers la victoire électorale de 2006. Les deux hommes avaient pris soin de s'en tenir aux daïquiris et de laisser au parlement leurs plateformes électorales.

Pourtant aujourd'hui, à la mi-juillet, la tournée de Stéphane Dion est loin d'avoir du plomb dans l'aile. À Edmonton, il y a deux semaines, le chef libéral a attiré 500 personnes lors d'un événement. «Mettons qu'en Alberta nous ne nous attendions pas à avoir tant de personnes, commente son attaché de presse, Jean-François del Torchio. Tout le monde disait que nous nous jetions dans la fosse aux lions et ça s'est bien passé.»

Il y a eu ensuite le Sud ontarien la semaine dernière, les Maritimes, l'Est ontarien cette semaine et le Québec au mois d'août. «Ça n'arrêtera pas, affirme M. del Torchio. C'est difficile quand tu es dans l'opposition d'attirer autant l'attention. Nous avons déjà réussi cela.»

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LAYTON

Le chef du NPD, Jack Layton, et son épouse, la députée de Trinity-Spadina, Olivia Chow, ont leur façon à eux d'attirer l'attention des Canadiens sur les changements climatiques. Ils sont en ce moment du côté de Whitehorse, au Yukon, en pleine expédition de canot-camping d'une dizaine de jours dans le parc national Kluane. Le couple en profite pour filmer une partie de la rivière Alsek afin de démontrer que le glacier qui alimente le cours d'eau est en pleine régression. M. Layton préfère au plan Dion un système d'imposition de plafonds d'émissions de GES et d'échange de crédits.

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SÉPARATISME

Est-ce que cela aurait quelque chose à voir avec la taxe sur le carbone de Stéphane Dion? Un sondage de la maison Ipsos Reid a révélé la semaine dernière que les Albertains, après le Québec, étaient les plus enclins à appuyer l'idée de la souveraineté de leur province. Quelque 35% des répondants du Québec au sondage se sont dits en faveur d'un Québec indépendant. En Alberta, 18% des Albertains interrogés pensent que la province devrait quitter la Confédération.