Dans les années 70, tous les gens chic prenaient leurs vacances d'hiver dans les Laurentides. Aujourd'hui, les touristes qui vont dans le Nord y trouvent-ils encore leur compte?

«Les Laurentides, ça a commencé par être une région d'hiver. C'est le berceau du ski en Amérique du Nord», lance le chroniqueur de ski Guy Thibaudeau.

Dans les années 60 et 70, le coeur des Laurentides, la région de ski qui va de Saint-Sauveur à Mont-Tremblant, était l'endroit où il fallait être. Mont-Tremblant était une destination prisée bien avant l'arrivée d'Intrawest, rappelle Guy Thibaudeau, qui habite dans les Laurentides depuis 1980 et y skie depuis bien plus longtemps encore. Gray Rocks a commencé à offrir des cours et des forfaits, raconte le chroniqueur. Les gens venaient de l'est des États-Unis pour y passer la semaine.

Une période plus difficile 

Le centre de ski Gray Rocks a fermé ses portes en 2009. Il a été laissé à l'abandon, vandalisé, et il a finalement brûlé l'automne dernier.

D'autres institutions laurentiennes ont disparu récemment: L'Eau à la bouche, La Sapinière. Le Bistro à Champlain, qui vient de mettre la clé sous la porte. Certains grands hôtels vieillissent. Le Chanteclerc de Sainte-Adèle, autrefois fleuron de l'hôtellerie, aurait besoin de sérieuses rénovations pour correspondre aux goûts d'une clientèle qui a vu bien mieux ailleurs.

Les observateurs qui regrettent la disparition de ces grands lodges emblématiques des Laurentides sont très nombreux. Diane Leblond, directrice générale de Tourisme Laurentides, ne fait pas partie du groupe. «C'est un phénomène de rationalisation et c'est normal, dit-elle. Il y a une mouvance, actuellement, mais ce n'est pas négatif. C'est un peu comme une sélection naturelle. L'idée n'est pas de faire revivre le passé, mais de regarder le présent. En ce moment, notre parc d'hébergement est à niveau.»

Diane Leblond précise que la moitié des hôtels des Laurentides sont classés 4 ou 5 étoiles. Comme dans toutes les régions du Québec, dit-elle, des établissements ne sont pas à la hauteur et d'autres ont fait des rénovations réussies et remarquées.

Une situation particulière 

Fait surprenant, le taux d'occupation des hôtels des Laurentides est nettement sous la moyenne provinciale. De 2009 à 2012, il n'a pas dépassé 40%, selon une étude réalisée par Desjardins sur la région administrative des Laurentides - qui comprend donc les Basses et les Hautes-Laurentides. En 2012, le taux d'occupation hôtelier était de 52,5% au Québec.

Comment expliquer que les hôtels aient si peu de clients?

D'abord, il ne manque pas d'option d'hébergement dans la région, explique Diane Leblond, qui estime que le mouvement de rationalisation devrait faire monter le taux d'occupation.

Ensuite, une importante partie des touristes qui visitent les Laurentides retourne coucher à la maison, à Laval ou à Montréal, après la journée de ski.

La région a aussi vécu durement la crise de 2008 - les touristes américains préfèrent depuis skier chez eux.

Enfin, plusieurs propriétaires louent leur chalet lorsqu'ils n'y sont pas, ce qui, du coup, enlève des clients aux aubergistes.

La 117 

Autre point sensible: il y a dans la région quelques exemples de planification urbaine plutôt... baroque. La route 117 en est un bon exemple. Les visiteurs qui l'empruntent pour la première fois sont surpris d'y trouver un boulevard sans charme ponctué de bâtiments à vendre.

«La 117 n'est vraiment pas un modèle de planification du paysage, tranche Michel Archambault, surtout de la porte d'entrée des Laurentides jusqu'à Sainte-Agathe. On a massacré le paysage, tout comme sur la 15-Nord, entre Laval et Saint-Jérôme, où se côtoient panneaux réclames géants et power centers sans âme.» Le professeur Archambault déplore également le manque de planification urbaine à l'entrée de certains villages et villes qui pourraient être davantage mis en valeur. «Sainte-Adèle, Sainte-Agathe et Saint-Donat ont des entrées de type boulevard des Laurentides qui heurtent le gros bon sens et confirment un manque de vision. On a minimisé l'importance d'un centre-ville avec de petits commerces sympathiques illustrant les produits régionaux. Les touristes recherchent l'authenticité, le bon goût et le charme de beaux villages. Le vieux village de Tremblant, Val-David et la rue principale de Saint-Jovite ont mieux réussi, à cet égard.»

Un retour aux sources  

Le coeur des Laurentides a heureusement des atouts qui compensent largement ses faiblesses. Les montagnes et les lacs attirent dans la région des millions de visiteurs chaque année; des entrepreneurs audacieux s'y installent. Ils sont artistes, artisans, aubergistes, restaurateurs. Ils sont revenus dans la région de leur enfance ou l'ont adoptée pour la qualité de vie qu'elle apporte.

Sébastien Houle a ouvert le restaurant sEb l'artisan il y a 10 ans, au coeur du village de Saint-Jovite. Il s'est rapidement taillé une enviable réputation dans les Laurentides. «Nous avons trois clientèles, dit-il: les locaux, qui viennent une ou deux fois par année pour se payer un bon repas, les villégiateurs de Montréal et d'Ottawa qui ont des chalets dans la grande région de Mont-Tremblant et les touristes qui viennent passer une semaine à l'hôtel. Ils viennent du Mexique, de l'Europe, des États-Unis, des Caraïbes...»

Selon le jeune chef, il se passe quelque chose actuellement, dans les Laurentides, du côté de la restauration. Et il était temps. «Dans les années 90, Normand Laprise a été une locomotive pour la gastronomie à Montréal, et Daniel Vézina, à Québec. Ça bougeait au Québec, mais le temps était figé dans les Laurentides. Ce qui se faisait ici n'était pas mauvais, précise Sébastien Houle, mais la clientèle avait vu mieux. Et lorsqu'elle venait dans le Nord, elle voulait qu'on lui serve des plats aussi intéressants que ce qui se faisait ailleurs.»

Les touristes étaient à la recherche de chefs qui ont de la personnalité. Maintenant, affirme Sébastien Houle, ils pourront en trouver dans les Laurentides. Notamment à Val-David, Sainte-Adèle...

Vive le plein air!

Pour attirer les touristes et les convaincre de rester plus longtemps dans la région, les Laurentides vont mettre de l'avant leur plus grande richesse: la nature. Dans son futur plan stratégique de développement, Tourisme Laurentides s'intéresse particulièrement aux visiteurs qui recherchent le grand air et qui aiment bouger.

Dans cette catégorie, l'un des grands succès des dernières années est l'Ironman de Mont-Tremblant, qui attire une clientèle plus jeune - tant les gens qui participent à l'épreuve que ceux qui viennent les encourager. Le tourisme d'aventure, été comme hiver, est très important, précise Diane Leblond, directrice générale de Tourisme Laurentides. Le cyclotourisme trois saisons est en progression. La région possède le plus grand parc linéaire du Canada, Le P'tit train du Nord, populaire été comme hiver. Tourisme Laurentides s'est aussi donné le défi d'allonger les saisons touristiques ainsi que de mettre en valeur et de protéger le paysage.